Le mois dernier, Essence, le plus important magazine pour les femmes noires aux Etats-Unis (appartenant au groupe Time Inc.), a annoncé la nomination d'Ellianna Placas comme directrice des pages mode.
Ellianna Placas est une rédactrice de mode connue ; elle est aussi la première femme blanche nommée à ce poste dans la rédaction du magazine.
En apprenant cette nouvelle, la blogosphère de la communauté noire américaine s'est enflammée.
Sur The Black Snob, Danielle C. Belton écrit dans un billet intitulé « Essence embauche une rédactrice en chef mode blanche : les sourcils se froncent, mauvaise humeur » :
« Dans le secteur de la mode où travaillent beaucoup de femmes de couleur, que ce soit comme mannequins ou professionnelles qui travaillent en coulisses, il y a des personnes qui ne sont pas contentes. Elles ne sont pas contentes du tout. »
Un passif entre les femmes noires et l'industrie de la mode
Danielle Belton cite également un article de Clutch Magazine, revue de mode et d'art de vivre à destination des femmes noires, sur l'embauche de Placas. Geneva S. Thomas y résume la déception de beaucoup de femmes noires américaines et tente d'apporter une explication :
« L'écrivaine et critique des pages culture Michaela Angela Davis, ancienne rédactrice de mode pour Essence, et actuellement rédactrice pour ce journal, a publié ce message sur Twitter : “C'est le cœur lourd que j'ai appris que le magazine Essence avait engagé une rédactrice en chef mode blanche, ça fait mal, littéralement, et spirituellement.” [...]
Les réactions expriment le choc, la déception, et même un véritable traumatisme. Michaela Angela Davis écrit que ses sentiments à l'annonce de cette nouvelle ont beaucoup à voir avec un passé de relations hostiles entre les femmes noires et l'industrie de la mode. »
Michaela s'explique plus longuement sur ses réticences sur sa page Facebook :
« C'est personnel, mais c'est aussi professionnel. S'il y avait un équilibre dans cette industrie, si nous n'avions pas dans notre histoire été ignorées et méprisées, si d'avantage de revues de mode grand public présentaient des personnes de couleur avant que LE magazine consacré aux femmes noires ne “diversifie” [ses embauches], ce serait différent . »
Michaela demande aussi : « Combien de professionnels de la mode qualifiés et noirs ont-ils [Essence] contactés ? »
Ellianna Placas peut-elle « dégrader » l'image des femmes noires ?
Najwa Moses, une personnalité de la mode, a sa propre liste de femmes noires et qualifiées qui auraient pu recevoir un coup de téléphone. « Je pense à quelques femmes noires qualifiées, et à des hommes aussi », dit Najwa :
« Comment un titre de presse aussi prestigieux, profondément enraciné auprès de son lectorat cible, laisse quelqu'un qui n'appartient même pas à la diaspora africaine dégrader notre image ? [...] Comment une femme blanche peut-elle dicter et décider du style et de la beauté pour la femme noire ? »
La rédactrice en chef du magazine Essence,Angela Burt-Murray, a répondu en écrivant un article intitulé « Essence : une rédactrice en chef blanche ne diminue pas notre amour pour les femmes noires » :
« Le bouton rouge qu'est le sujet de la race a le pouvoir de faire exploser les gens et montre bien où nous en sommes. C'est quelque chose à laquelle je suis fréquemment confrontée dans mon travail personnel. [...]Que ce soit dans un portrait de P. Diddy et de celle qui est sa compagne depuis longtemps, Kim Porter, où ils s'expriment sur leur relation controversée (“Vous faites l'apologie des enfants nés hors mariage et vous donnez une image négative des couples noirs ! ” a écrit un lecteur irrité) ou quand j'ai confié une tribune à la chanteuse Jill Scott pour exprimer son opinion sur les hommes noirs qui fréquentent des femmes non-noires, “The Wince” (“Racisme à l'envers ! ” a été une critique courante). »
Elle continue :
« Mais de façon intéressante, les sujets dont j'avais prévu qu'ils provoqueraient des réactions négatives chez les lecteurs, des boycotts et des protestations sur Facebook, sont souvent passés relativement inaperçus.Comme lorsque Essence a publié une enquête en trois partie dans les pages Education sur les difficultés des écoliers noirs qui sont laissés au bord du chemin dans des écoles aux résultats mauvais. Rien du tout.Quand nous avons publié un article sur l'augmentation de trafics sexuels impliquant des jeunes filles noires dans les zones urbaines ? Silence.Quand nos rédacteurs ont enquêté sur les inégalités dans l'accès aux soins de santé que les femmes noires subissent ? Silence de mort.Quand nos rédacteurs en chef ont publié des extraits du rapport “Lifting as we climb : femmes de couleur, santé, et le futur de l'Amérique” de l'initiative Closing the Gap (“Réduire les inégalités”), qui montrait que le revenu médian des femmes célibataires noires était de 5 dollars ? Encore une fois, silence total.Quand nous publions des articles sur le fait que le chômage ravage les hommes noirs ? Nada.Quand nous sortons, article après article, que le HIV est la principale cause de décès des femmes entre 18 et 34 ans ? Rien. Les choses qui sont vraiment catastrophiques pour nous ne le sont apparemment pas. [... ]Et la raison pour laquelle je suis capable de faire ça de façon efficace est l'importance et l'écoute que j'accorde au dialogue direct et passionné que j'ai avec nos 8,3 millions de lecteurs et en trouvant des manières constructives de travailler ensemble pour continuer à soutenir et encourager les femmes noires. Heureusement, ces sœurs ne m'orientent jamais dans une impasse ! »
La compétence au-dessus de la couleur de peau
Sur le blog Black Voices, Claire Sulmers intervient dans le débat et publie un sondage en ligne qui pose la question suivante :
« Est-ce une erreur pour Essence d'embaucher une responsable de la mode blanche ? »
Sur un total de 2 972 votes, 54% estiment que : « Oui, c'est un magazine pour les femmes noires » et 46% que « Non, la personne la plus qualifiée pour le job mérite de l'obtenir ».
Dans un article pour CNN, Sophia Nelson, rédactrice en chef du blog Political Intersection,écrit que le « magazine Essence donne une leçon [sur la question raciale] en plaçant la compétence au-dessus de la couleur de peau ».
« Je comprends cette passion, et pour être honnête, ma première réaction à la nouvelle a été le choc... Jusqu'à ce que j'y réfléchisse vraiment et que je réalise qu'Essence nous montrait à tous quelque chose de très important. [...] Essence donne un exemple très positif à la presse magazine et à l'un des groupes de médias les plus importants au monde, Time Warner, en montrant que c'est le talent, pas la race, qui compte.
Hélas, ce qui semble ignoré dans ce débat sur la race, le genre et les victimes du racisme en Amérique est qu'il y a un être humain nommé Elliana Placas ... (qui, en passant, est Australienne). Sa vision du monde doit être extrêmement différente de l'obsession sur la race que nous déployons ici en Amérique à grande échelle, au moins une fois par an...
Mes sœurs, je vous demande à toutes de réfléchir à ce précepte biblique : “Aime ton prochain comme toi-même.” [...] Nos sœurs chez Essence viennent de nous apprendre à placer les qualifications avant nos zones de confort mental, un idéal avant la tradition, et la personnalité avant la couleur de la peau. Merci Essence, une fois de plus, d'être précurseur. »
Dans l'article publié par Clutch Magazine, de nombreux lecteurs expriment leur assentiment. Dans une société « post raciale », certains estiment que la position de Michaela et Najwa sur ce recrutement est du « racisme à l'envers ». Un lecteur écrit dans la section des commentaires :
« Qu'est-ce qui fait qu'elle ne serait pas qualifiée ? J'espère que la beauté peut se trouver dans chaque femme. »
Joan Morgan, une journaliste distinguée par des prix, auteure et collaboratrice de longue date d'Essence, ajoute aussi :
« Il est question ici du fait que la presse, particulièrement quand il s'agit de la presse magazine grand public, pratique toujours autant la discrimination à l'embauche qu'en 1988. »
Texte de Anna Gueye, traduit par Claire Ulrich
Et vous les filles qu'en pensez vous? Une femme blanche rédactrice en chef d'un magazine destiné aux femmes noires vous pose problème? si, oui ou non débattons la dessus et donnez moi votre avis.
c'est inadmissible... du foutage de gueule.
RépondreSupprimerle problème est:
RépondreSupprimeressence magasine comme la plupart des mag afro ont été créés par les noirs qui ne se reconnaissent pas dans les magasines style vogue, cosmopolitan là ou la femme noire n'est pas présente et n'y mise en valeur.
Les femmes noires sont très discriminés par l’industrie de la mode ou il y a un racisme institutionnel.
Combien de femmes noires sont redac en chef dans en grand mag de blanches ex vogue ou marie claire ? Alors nommé une blanche dans un poste de redac en chef dans un mag aussi important que essence mag peut créer la consternation, je comprends.
Si les blancs faisaient de même avec nous, on n'aurait pas cette discution.
J'imagine qu'une situation inverse aurait révolté les noirs mais ici on dirait que c'est normal de ne pas vouloir d'une rédactrice blanche ... Les racistes ne sont pas toujours ceux que l'on croit ...
RépondreSupprimerMoi aussi je trouve que c'est du foutage de gueule parce que dans l'autre sens ça ne marche pas!Je ne pense pas que la rédactrice en chef de vogue soit blanche par exemple! Ils n'ont pas compris que leur magazine est communautaire et le fait de mettre une rédactrice en chef une femme blanche brise cette communauté c'est comme s'ils faisaient entrer un intru qui serait encore là pour nous dicter comment faire! C'est du n'importe quoi mais en tout cas si les ventes chutent ils sauront pourquoi!
RépondreSupprimerMalyasha
lol, je ne vois pas en quoi c'est "inadmissible" et"un foutage de gueule". On parle de mode. C'est pas comme si on lui avait confié une section comme les cheveux, le maquillage ou quoi que ce soit.
RépondreSupprimerLa mode c'est subjectif dans tous les cas. Une femme noire peut en avoir une opinion de femme blanche et vice versa.
Si elle a du talent dans ce qu'elle fait et que sa vision correspond à celle du magazine (ce qui doit être le cas si elle a été engagée) je ne vois pas en quoi ça pose problème.
Et le problème avec la société de nos jours c'est qu'il y aura toujours des gens pour voir un problème de race dans quoi que ce soit. Tout n'a pas forcément un rapport avec la couleur de peau et ne doit pas être rapporté à ce critère.
She's talented, she gets the job. That's it!
Ce débat est vif mais a-t'il lieu d'être? Nous sommes dans une époque de grands changements, même si tout n'est pas encore en place, c'est ce vers quoi nous allons. Vogue n'y est pas encore arrivé, mais Julia Saar-Jamois n'est-elle pas rédactrice de Wonderland magazine? Et je n'ai pas vu de levé de boucliers. Calmons nous et ne nous étonnons plus de ce genre de choses!
RépondreSupprimerTout comme certaines filles le disent, moi je suis plutôt offusquée par la réaction de la communauté noire. C'est celle ci qui, selon moi, est inadmissible. Lutter contre le racisme et le pratiquer dans ses rangs, c'est extrêmement hypocrite. Si cette femme blanche possède les compétences pour le poste, hé bien pourquoi pas? La couleur de peau ne détermine en aucun cas l'opinion, et la valeur du travail. Par ailleurs, elle peut apporter un point de vue neuf qui pourrait changer la ligne rédactionnelle du mag et pas dans un mauvais sens. L'ouverture, là est la clé. Et apparemment en la jugeant ainsi sans la laisser le temps de montrer ce qu'elle sait faire, c'est le contraire que l'on pratique.
RépondreSupprimerTant qu'elle fait bien son job ça va! mais j'avoue que ça me gêne quand je pense qu'une femme Noire à la tête de Elle ou Vogue c'est pas prêt d'arriver
RépondreSupprimerQue ce magazine embauche une femme blanche en tant que rédactrice en chef alors que le lectorat visé est constitué de femmes noires ne me choque pas. En revanche, la réaction du dit lectorat me choque ! Si des femmes blanches avaient eu le même comportement face à l'embauche d'une femme noire pour un magazine, ces mêmes lectrices auraient crier au Racisme n'est pas unilatéral !
RépondreSupprimerMon commentaire arrive un peu tard, mais il me semble qu'Ellianna Placa a été nommée il y a bien plus d'un an...
RépondreSupprimerPourquoi l'affaire réapparait-elle mantenant ?
Urban Sapotille
Moi je n'ai rien contre le fait de mettre une femme noire ou blanche à la tête d'un magazine. Dans cet histoire le fait est que essence est un magazine créer par des noirs se sentant lésés par les magazines style Vogue, Elle etc et donc je comprends un peu l'indignation générale. C'est comme mettre un chrétien à la redac d'un magazine musulmans...
RépondreSupprimerMais bon en même tant le concept d'égalité des chances n'est pas à sens unique..:!
Diary Of a Fashion Stylist..!
http://blog.valentineavoh.com
Ridicules...Ces réactions sont tout à fait ridicules...Une femme reste une femme...
RépondreSupprimerMerci Fatou pour ce sujet intéressant.
RépondreSupprimerJe suis une lectrice occasionnelle d'Essence.
J'ai été choquée en apprenant cette nouvelle et puis finalement, je me suis dit pour quoi, pas ? Si nous revendiquons sans cesse d'avoir nous aussi, de bonnes places dans le monde du travail, si nous demandons à ce qu'on ne nous juge pas sur notre couleur de peau mais sur nos compétences, pourquoi faire de même avec les autres ?
Maintenant je comprends que ce soit frustrant pour les femmes qui lisent ce magazine et qui y travaillent.Elles doivent penser qu'on leur vole leur place. mais attention, il ne faut pas croire que la couleur de peau nous donne un droit dans tout ce qui touche notre communauté! Rien n'est acquis.
Il est aussi question de solidarité féminine.
Enfin, je suis d'accord avec la rédactrice en chef d'Essence lorsqu'elle dénonce la passivité des lectrices pour des sujets bien plus graves. Gardons la tête froide et remettons-nous en question deux minutes. La beauté noire c'est nous et ça personne ne pourra jamais nous l'enlever.